En Suisse, une école de théologie accusée de "radicalisation"

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Depuis 2016, HET-Pro bouleverse le paysage des facultés de théologie suisses. De tendance évangélique et assumant être confessante, elle apporte un éclairage sur le paysage protestant en Suisse, entre modernité et tradition. Un texte polémique l’a récemment accusé de "radicalisation".

Tout a commencé par une charge de Pierre Gisel, professeur de théologie à l’université de Lausanne, paru fin 2024 dans Théorèmes. Il évoque la faculté de théologie suisse HET-Pro, en décrivant ce qu'il juge être "un phénomène de radicalisation". La vocation de l’école, d’offrir une autre vision de la formation théologique en dehors du cadre académique classique, a toujours questionné les acteurs traditionnels en Suisse.

En effet, depuis sa naissance en 2016, la faculté HET-PRO a fait parler d’elle. Elle a ouvert ses portes en septembre 2017, succédant à l'Institut Biblique et Missionnaire Emmaüs, établi en 1926 et installé à Saint-Légier depuis 1967.

Dès 2016, elle est venue troubler le monde des facultés protestantes de théologie de Lausanne et de Genève. D’abord en apportant une nouvelle concurrence. Mais aussi en confessant la foi protestante, contrairement à ses concurrents qui préfèrent se présenter comme neutre. Enfin, en s’affichant de la tendance chrétienne évangélique. Concrètement, les prières sont intégrées au sein des cours, et les journées alternent entre temps d’études, temps de louanges et temps de recueillement. Les étudiants de HET-PRO, en moyenne plus jeunes que les autres facultés, se destinent pour la plupart à devenir pasteur, en Suisse mais aussi dans le monde.

"Radicalisation" ?

Ainsi, les difficultés entre les facultés et HET-PRO se sont multipliées. Les traditionnelles facultés de Genève et Lausanne ont par exemple refusé de collaborer avec HET-PRO. L’école est accusée d’une sensibilité plus évangélique que libérale : la conviction religieuse prendrait alors le dessus sur l’approche historico-critique du texte biblique.

"Certains nous qualifient de 'conservateurs'. Ce n’est pas un terme que j’apprécie beaucoup. Nous ne voulons en fait que rester au plus près des textes fondateurs du christianisme", assurait en 2017, David Richir, doyen de HET-PRO, dans Cath.ch.

C’est la voix de l’opposition à HET-PRO qu’a repris le professeur Pierre Gisel fin 2024, s’inquiétant de son "rapport à la vérité et au monde extérieur" et son positionnement dans les débats théologiques et sociétaux. "Cette radicalisation se manifeste par une focalisation sur l'islam, illustrée par la création de l'Institut pour les questions relatives à l'islam (IQRI)", ajoute-t-il dans son article polémique et repris par plusieurs médias suisses.

L’école HET-Pro, dans un communiqué, a répondu point par point au professeur :

"L’article repose sur des généralisations et des jugements de valeur qui ne reflètent ni la réalité de la HETPRO, ni la diversité des approches pédagogiques et théologiques qui y sont déployées."

Elle explique ainsi répondre à un "dossier mal maîtrisé de la part d’un auteur mal informé", en dénonçant un article à charge et qui ne fait pas du tout écho à la réalité de ce qui se vit au sein de l’école.

L’affaire a ébranlé le monde de la théologie en Suisse et au-delà, alors que le contexte de diminution du nombre de pasteurs dans le pays donne une forme de légitimité à cette nouvelle formation. Les étudiants de HET-Pro pourront-ils devenir pasteurs des églises de Suisse romande ? En réalité, cette question n’appartient pas aux facultés mais bien aux Églises.

"La HET-Pro est souvent caricaturée, au même titre que certains milieux évangéliques, comme une institution conservatrice radicale, voire homophobe ou islamophobe", a regretté le professeur Jean-Baptiste Lipp dans Réformés, qui a exercé à l’Université de Lausanne. Il appelle les Églises et les facultés à réfléchir dès aujourd’hui "à réguler les exigences requises le jour où la HET-PRO serait reconnue, et même anticiper ce jour".

De son côté, le député vert Jacques-André Haury a dénoncé une "forme d’intolérance face à la diversité protestante" dans une Tribune pour Le Temps, appelant à ne pas "redouter les chrétiens joyeux".

Germain Gratien

Crédit image : Shutterstock / Zephyr_p

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